La devise de la République sur une école publique
Liberté, Égalité, Fraternité est la devise
de la République française.
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Tympan d'une église avec une inscription datant de 1905 suite à la loi sur la
Séparation des Églises et de l'État
en 1905
La devise « Liberté, Égalité, Fraternité » est issue de la Révolution française : elle apparaît
dans le débat public avant la proclamation de la Première République, dès 1790. Le premier à en
faire usage dans un cadre officiel est Maximilien de Robespierre, dans son Discours
sur l'organisation des gardes nationales, le 5 décembre
1790 à l'Assemblée Nationale. On la
retrouve également dans la bouche de Camille Desmoulins, de l'anglais lord Stanhope et de Momoro. Ce dernier la reprend au Club des Cordeliers le 29 mai
1791. De même, elle est
mise en avant lors la « fête de la liberté » donnée en l'honneur des Suisses de Château
vieux le 15 avril 1792, et Jean-Nicolas Pache (maire de la commune de Paris), fait peindre sur les
murs, le 21 juin
1793, la formule :
« Liberté, Égalité, Fraternité, ou la mort ». La devise est
progressivement abandonnée avec la fin de la Révolution, le serment de haine
aux monarchistes et aux « anarchistes » étant notamment préconisé par
le Directoire
de l'an V
à l'an VII,
en lieu et place du serment de fraternité.
La devise ressurgit avec la révolution de
1830. Elle est ensuite régulièrement revendiquée par différents
révolutionnaires, en particulier le socialiste Pierre Leroux,
qui participera largement à sa reconnaissance comme principe de la République,
mais aussi Alexandre Ledru-Rollin, Lamennais ou Philippe
Buchez ; elle est également agréée par les participants au
premier banquet communiste de Belleville, autour de Théodore Dézamy et de Jean-Jacques Pillot, en 1840, à condition que la
fraternité contribue à étayer l'instauration de la « communauté ».
Avec la révolution de 1848, la IIe République l’adopte comme
devise officielle le 27 février 1848, grâce à Louis Blanc.
Sous la IIIe République, la devise est
adoptée comme symbole officiel de la République.
Entre-temps, elle sera mise à mal avec les principes mêmes de la
République : elle sera supprimée sous l'Empire
et la Restauration, puis sous le Second Empire,
et enfin sous le régime de Vichy (elle est remplacée par la
devise Travail, Famille, Patrie). Au sein de
la France libre,
la devise est évitée pendant près d'un an comme « politique », pour
des motifs d'opportunité[8],
avant d'être revendiquée, à partir de l'automne 1941[].
Associée à la République dite ouvrière, la devise prend alors tout son
sens : le suffrage universel (masculin) adopté, la
Liberté ne s'arrête plus aux portes de la Bourgeoisie ; par la promotion
des Associations ouvrières (ancêtres des coopératives de production), la
création de la Commission du Luxembourg étend l'Égalité
aux domaines économiques et sociaux ; et la Fraternité, à travers un État
représentant l'Union du peuple souverain, vient pondérer l'engouement de ses
sœurs Liberté et Égalité. Alors qu'auparavant les Républicains avaient cette
tendance à privilégier ou l'Égalité ou la Liberté, la France trouve à ce moment
précis de l'histoire la voie de la démocratie.
Mais encore une fois, la République se divise : la répression du soulèvement ouvrier de juin 1848 et le retour
de l'Empire remettent en question la philosophie et la portée de cette triade.
Ce n'est qu'en 1880
qu'elle apparaît sur les frontons de toutes les institutions publiques, et au
milieu du XXème siècle, qu'elle s'inscrit durablement dans l'histoire de la
République Française, avec la constitution de 1946.
La déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1793 définit ainsi la
liberté: « La liberté est le pouvoir qui appartient à
l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui ; elle a pour
principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la
loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre
ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait. ». « Vivre
libre ou mourir » fut une grande devise républicaine.
Deuxième terme de la devise de la République, le mot égalité
signifie que la loi est la même pour tous, que les distinctions de naissance ou
de condition sont abolies et que chacun est tenu à mesure de ses moyens de
contribuer aux dépenses de l'État. La déclaration
des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1793 déclare que : « Tous les hommes sont égaux par nature et devant la
loi. » Selon la déclaration des droits de l'homme de 1795 : « L'égalité consiste en ce que la loi est la même pour
tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. L'égalité n'admet aucune
distinction de naissance, aucune hérédité de pouvoirs. ».
Troisième élément de la devise de la République, la fraternité
est ainsi définie dans la Déclaration des droits et devoirs du citoyen figurant
en tête de la Constitution de l'an III (1795) : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on
vous fît ; faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en
recevoir ».
Pendant la Révolution française, « la fraternité avait pleine vocation à embrasser tous ceux
qui, français ou étrangers, luttaient pour l’avènement ou le maintien de la
liberté et de l’égalité ».
Selon Paul Thibaud, philosophe et ancien directeur de
la revue Esprit[11],
« Autant la liberté et l'égalité peuvent être perçues
comme des droits, autant la fraternité est une obligation de chacun vis-à-vis
d'autrui. C'est donc un mot d'ordre moral. »
1. ↑ Michel Borgetto, La
Devise : « Liberté, Egalité, Fraternité », PUF, 1997, p. 32.
Le texte est disponible en ligne : Discours sur
l'organisation des gardes nationales [archive] :
« XVI. Elles porteront sur leur poitrine ces mots
gravés : LE PEUPLE FRANÇAIS, et au-dessous : LIBERTE, EGALITE,
FRATERNITE. Les mêmes mots seront inscrits sur leurs drapeaux, qui porteront
les trois couleurs de la nation. »
2. ↑ Marcel David, Le
peuple, les droits de l'homme et la république démocratique, p. 235 [archive].
3. ↑ Michel Borgetto, id.
4. ↑ La fête de la loi,
célébrée le 3 juin
1793, en l'honneur de Simoneau, maire d'Étampes,
remplaça la devise : « liberté, égalité, fraternité » par :
« liberté, égalité, propriété ». Voir Ernest Hamel, Histoire de
Robespierre d'après des papiers de famille, les sources originales et des
documents entièrement inédits, Paris, Chez l'auteur, 1866, tome II :
« les Girondins », p. 278 [archive].
5. ↑ Marcel David, Le
peuple, les droits de l'homme et la république démocratique, p. 238.
6. ↑ Marcel David, Le
peuple, les droits de l'homme et la république démocratique, p. 239-240
7. ↑ Philippe Roger,
« La Révolution française et la Justice ou le second exil d’Astrée »,
in Justice,
Liberté, Égalité, Fraternité, Sur quelques valeurs fondamentales de la
démocratie européenne [archive]
(sous la direction d'Olga Inkova), institut européen de l’université de Genève.
8.
↑ Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France
Libre. De l'appel du 18 Juin à la Libération, Paris, Gallimard, 1996, p.
195-197. Le colonel de Laminât obtient son remplacement par
« Honneur et patrie » dans l'émission de Maurice
Schumann à la BBC en juillet 1940. En
revanche, malgré diverses interventions d'officiers, notamment Laminât et
Fontaine, le quotidien France et la revue La France Libre
conservent leur sous-titre. Dans un télégramme du 8 juillet
1941, le général de
Gaulle explique : « Si nous
proclamions simplement que nous nous battons pour la démocratie, nous
obtiendrions peut-être des éloges du côté américain, mais nous perdrions
beaucoup sur le tableau français qui est le principal. La masse française
confond pour le moment le mot démocratie avec le régime parlementaire tel qu'il
fonctionnait chez nous avant cette guerre. Nos propres partisans, quelle que
soit leur origine politique et surtout nos combattants, en sont convaincus dans
l'immense majorité. Ce régime est condamné par les faits et dans l'opinion
publique.
D'autre part, nous sommes les ennemis acharnés du système
hitléro-fasciste. La preuve en est que nous le combattons partout et d'abord en
France et que pour le briser et le chasser, nous ne reculons même pas devant la
guerre civile. »
9. ↑ Charles de Gaulle, Discours
et messages, tome I : Pendant la guerre, juin 1940-janvier 1946,
Paris, Plon, 1970, p. 137-138 : « Nous disons Liberté-Égalité-Fraternité
parce que notre volonté est de demeurer fidèles aux principes démocratiques que
nos ancêtres ont tirés du génie de notre race et qui sont l'enjeu de cette
guerre pour la vie et la mort. » (Discours du 15 novembre
1941). Voir Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France
Libre. De l'appel du 18 Juin à la Libération, Paris, Gallimard, 1996, p.
209-210.
10. ↑ Michel Borgetto, La
Devise : « Liberté, Egalité, Fraternité », PUF, 1997, p. 34
11. ↑ « Il était le bon
côté du christianisme », Libération, 23 janvier 2007